La présence des dirigeants des partenaires sociaux n’aurait pas pu être plus éminente, ni le moment plus actuel : deux jours après l’annonce de la date de la votation sur la LPP-21 et donc le début de la campagne de votation, Yves-Pierre Maillard, président de l’Union syndicale suisse, et Severin Moser, président de l’Union patronale suisse, se sont rencontrés lors de l’assemblée des membres du Forum de la prévoyance. Le thème de la table ronde, présidée par Fredy Greuter, responsable de la communication de l’ASIP, était bien sûr la réforme de la LPP. C’était sans doute la première fois que les dirigeants des partenaires sociaux discutaient de la révision de la LPP sur un podium.
Conformément à l’événement et au cadre – l’hôtel Bellevue à Berne – le ton était amical, conciliant. Comme le veut la tradition suisse, on ne s’est pas «déchiré», mais on a échangé des arguments généralement déjà connus. Malgré tout, l’événement était très intéressant et la discussion a laissé entrevoir la manière dont les deux adversaires ou leurs associations comptent mener la campagne de votation.
Les résultats d’un sondage réalisé par les employeurs l’automne dernier, qui ont été rendus publics, montrent que la cause n’est pas du tout perdue pour les partisans, comme beaucoup le craignaient. Une majorité étonnamment nette veut accepter la réforme. Mais la cause n’est pas encore gagnée pour autant.
«C’est maintenant ou jamais», telle était la devise sous laquelle Greuter a placé la discussion, en supposant sans doute que si la révision n’aboutissait pas maintenant, il n’y en aurait guère d’autre, ou du moins pas de meilleure, ce qui, malgré tout le réalisme qu’on peut lui reconnaître, sonnait un peu apodictique.
La raison pour laquelle le compromis des partenaires sociaux a échoué au Parlement est, selon Maillard, que l’on a «trop bien travaillé». Le résultat n’aurait pas été la solution des syndicats. Il aurait eu du mal à la justifier auprès de l’USS. On a demandé pourquoi le nouvel échelonnement devait permettre de verser encore plus d’argent dans le 2e pilier. Malheureusement, le compromis a été saboté par les partis et les associations. Le seul point positif du modèle du Parlement est le nouvel échelonnement des cotisations, qui a été repris du compromis.
Pour Moser, l’échec au Parlement a tout simplement montré la primauté de la politique sur le partenariat social. Celui-ci est surclassé par la politique, ce qui se produit de plus en plus et l’endommage.
Pourquoi s’opposer à la baisse du taux de TVA, a demandé Greuter à Maillard ? Selon lui, aucun expert en Suisse ne met en doute sa nécessité. Avis d’experts ou pas, Maillard a qualifié la révision de «totalement superflue». La redistribution selon la CHS a en grande partie disparu, le niveau des intérêts n’est pas déterminant. Les caisses réalisent leurs revenus principalement grâce aux actions et à l’immobilier. Et : au cours des 20 dernières années, le capital du 2e pilier a doublé, mais les prestations ont diminué.
Moser a fait référence à l’augmentation de l’espérance de vie. Elle a augmenté de cinq ans pour les hommes depuis l’introduction de la LPP. Et la redistribution n’a disparu que dans les caisses offrant des prestations surobligatoires, mais pas dans les caisses proches de la LPP.
Et il a évoqué le pension gender gap, un sujet qui préoccupe surtout la gauche. La révision est susceptible de le réduire, car elle présente des avantages pour les femmes en particulier.
Pour Maillard, le problème de cette révision réside dans la mise en œuvre de la baisse du taux de conversion «d’un coup», ce qui nécessite des compensations pour la génération de transition. Il a qualifié la solution trouvée d’arbitraire. Pour la LPP, on exigerait maintenant 3 pour cent de cotisations supplémentaires, alors que pour l’AVS, 0,8 pour cent serait déjà qualifié d’insupportable. Il a ensuite énuméré les conséquences pour différentes branches, dans lesquelles davantage d’assurés devraient payer des cotisations plus élevées qu’ils ne recevraient de rentes plus élevées. Pour 80% d’entre eux, les rentes diminueraient. Ces chiffres n’ont pas été discutés.
Ce que Maillard a souligné pour le compromis, Moser l’a répété en substance pour la solution du Parlement : elle n’est pas le modèle des employeurs, mais celui de la politique. Dans le détail, on peut critiquer beaucoup de choses, mais on ne peut plus rien changer. Ce qui compte maintenant, c’est le paquet global. Le 2e pilier est renforcé par la révision. L’Allemagne et ses problèmes montrent ce que cela signifie pour un pays qui ne mise que sur la prévoyance par répartition. Il est prévisible qu’à l’avenir, un tiers du budget de l’Etat devra y être consacré aux rentes de vieillesse.
Afin d’évaluer l’ambiance dans la salle, Greuter s’est risqué à un sondage éclair pour savoir qui soutenait la révision ? Il s’agissait d’une majorité.
Que faut-il conclure de cette discussion ? Maillard a argumenté comme il l’aurait fait devant des assurés. Avec des chiffres qui peuvent être mis en doute, mais qui ne peuvent pas être réfutés si rapidement, comme par exemple la part des «perdants» de cette révision ou l’affirmation que le taux de remplacement s’élève actuellement à 51 pour cent.
Les partisans de la révision doivent manifestement rattraper leur retard s’ils veulent que la révision ait du succès. Une présentation sobre et factuelle, comme celle de la «factsheet» de l’ASIP, d’inter-pension et de l’ASA, ne suffira pas à convaincre les opposants et à activer les électeurs.
Plus important encore, Maillard a jugé bon de souligner devant les personnalités du 2e pilier présentes qu’il s’opposait à la demande de fusion des 1er et 2e piliers, une revendication très répandue dans ses cercles. Il a dit non à cela. M. Greuter a qualifié cela de manière pertinente comme une profession de foi du président de l’USS en faveur du 2e pilier, ce qui ne sera jamais assez apprécié.
Peter Wirth, e-mail