Que faire après le rejet de la réforme de la LPP ? Les uns ne veulent rien entreprendre pour le moment ou proposent tout au plus une mini-réforme, les autres prennent le verdict comme une invitation à développer l’AVS.

Le système de répartition de l’AVS présente l’avantage politique de pouvoir réaliser des améliorations de prestations quasiment du jour au lendemain. Il n’est pas nécessaire d’épargner pendant 40 ans pour cela. La facture arrive plus tard, par petites tranches, et ne revient que partiellement à ceux qui en profitent. C’est politiquement très séduisant. La gauche joue en virtuose sur ce piano.

Ceux qui réclament une extension générale de l’AVS doivent toutefois fermer les yeux sur les décalages démographiques prévisibles. Le financement par répartition fonctionne correctement et, à vrai dire, uniquement dans une société stable où le rapport entre cotisants et bénéficiaires de prestations ne change que très peu. Si le nombre de cotisants diminue alors que le nombre de retraités augmente, il se déséquilibre.

Le fait que la Suisse, comme presque tous les pays, connaisse exactement cette évolution ne semble pas encore être connu de tous. Et surtout pas chez les turbo-assurés de l’AVS. Pas plus que le fait que le 2e pilier est beaucoup moins touché par le glissement démographique. (L’augmentation de l’espérance de vie est un phénomène biométrique et non démographique. De plus, elle est facile à prendre en compte du point de vue actuariel ; à moins que l’on n’édicte une loi qui empêche précisément cela et que l’on s’y tienne ensuite obstinément).

Quelques données pro memoria : Lors de l’introduction de l’AVS, le rapport entre les personnes âgées de 20 à 64 ans et les personnes plus âgées, c’est-à-dire entre les cotisants et les retraités, était de 6:1. Aujourd’hui, il est d’environ 3:1 et sera encore de 2:1 après 2050 et continuera à baisser. Ce chiffre ne tient pas compte du fait que de nombreux retraités partent à l’étranger pour y percevoir leur pension, de sorte que le rapport pour l’AVS est encore plus mauvais en termes réels. L’immigration ne change rien à ces faits.
Cette évolution s’accompagne de tendances qui aggravent encore la situation. En font partie le désir répandu de retraite anticipée et l’aversion croissante pour le travail à temps plein. 80% semble être le maximum que l’on peut encore se permettre dans la vie professionnelle. La question de savoir comment deux personnes travaillant à temps partiel pourraient financer l’AVS d’un retraité à temps plein n’a pas encore été définitivement tranchée. Il faudrait probablement que les riches, qui supportent l’essentiel de la charge, deviennent encore plus riches. Mais ce sont eux que l’on veut exproprier ou chasser du pays.

Tout cela se déroule dans un contexte de baisse rapide des taux de natalité. L’indice synthétique de fécondité (ISF) calculé par l’Office fédéral de la statistique indique le nombre moyen d’enfants qu’une femme mettrait au monde au cours de sa vie si le taux de fécondité par âge d’une année civile donnée restait le même. En 1964, l’indice de fécondité était encore de 2,7 enfants par femme, soit environ le double d’aujourd’hui.

Dans les années 1970, la fécondité a fortement diminué et est passée pour la première fois en dessous du niveau nécessaire pour remplacer la génération des parents. En 2009, le taux de natalité était d’environ 1,5 enfant par femme ; en 2023, il sera en moyenne de 1,33 ; pour les Suissesses, il sera encore plus bas, à 1,2, et la tendance est clairement à la baisse, vers 1. Nous sommes loin de comprendre ce que cela signifie, car les conséquences n’apparaissent qu’après une génération. Celle-ci dure aujourd’hui environ 30 ans.

Cette tendance s’observe dans le monde entier, à l’exception des pays d’Afrique noire. Le chiffre le plus bas est celui de la Corée du Sud, avec un ZGZ de 0,72, tandis qu’au Niger, il est de 6,7. La Chine a un chiffre d’environ 1,1. L’Inde est-elle une autre exception, comme on pourrait le penser ? Le chiffre le plus récent est disponible pour 2022 et est à peine supérieur à 2. Cependant, de tous les grands pays, l’Inde a connu la baisse la plus rapide au cours des 50 dernières années, passant d’un taux de natalité de 6 en 1975 à probablement moins de 2 aujourd’hui, c’est-à-dire également en dessous du taux de conservation. A Calcutta, il serait déjà de 1, même sans la politique chinoise de l’enfant unique. C’est très étrange.

Et dans le monde entier, les mêmes problèmes se posent, à savoir comment maintenir l’économie, l’infrastructure et l’approvisionnement en marchandises face à ces décalages dramatiques. Sans parler des soins médicaux et des soins aux personnes âgées. Sans oublier la manière dont la prévoyance vieillesse doit rester fonctionnelle. Le journal « Welt » parle du « vieillissement comme destructeur de richesse ».

Dans ces conditions, il n’est sans doute pas totalement faux de réfléchir à cette évolution avant de formuler de nouvelles demandes d’extension de l’AVS, plutôt que de dénigrer la prévoyance professionnelle en général. Il serait plus raisonnable de la développer.

Le solide 2e pilier offre à la Suisse un avantage non négligeable pour stabiliser la prévoyance. On ne devrait pas le mettre en jeu à la légère. Et il ne serait peut-être pas non plus totalement faux de renoncer à l’opposition à un âge de la retraite plus élevé. Mais c’est sans doute trop demander.

Peter Wirth, e-mail