A la fin de l’automne 1933, un Anglais qui venait d’avoir 18 ans s’est mis en route pour traverser le continent à pied, d’Amsterdam à Constantinople. Il lui a fallu un an et demi pour y parvenir. Mais il faudra attendre 1957 pour que la première partie de ses souvenirs soit publiée sous forme de livre. Et lorsqu’il est décédé en 2011 à l’âge de 96 ans, il n’en avait toujours pas terminé. Mais la description de sa randonnée, qui s’est développée en trois volumineux volumes, fait incontestablement partie du meilleur de la littérature de voyage anglaise, si riche en chefs-d’œuvre.

Patrick Leigh Fermor s’est battu à travers une Allemagne enneigée, a traversé les Alpes et les plaines d’Europe de l’Est, a dormi dans des étables et chez des bergers dans les champs, dans des châteaux et des cachots, équipé d’un Knapsack d’emprunt et de quelques livres sterling en poche. A Time of Gifts », le titre du premier tome, fait référence au Noël que Fermor a passé dans une Allemagne déjà marquée par les nazis.

L’idée de cette aventure lui est venue après avoir été renvoyé à plusieurs reprises de diverses écoles. Une nouvelle tentative semblait désespérée pour lui et ses parents – sa faiblesse pour la gent féminine lui a été fatale à plusieurs reprises dans son pays puritain. Il était encore trop jeune pour s’engager dans l’armée, ce qu’il souhaitait. Il s’est donc mis en route vers l’est – ex oriente lux. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il devint célèbre après avoir, en tant que membre des services secrets britanniques, enlevé en Crète, avec des résistants grecs, un général allemand avec lequel il récitait, en bon gentleman anglais, des vers latins d’Horace dans la solitude de la cachette dans les montagnes.

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Dans les années 70, il était presque de tradition pour les assistants de l’Institut des sciences sociales de Bâle de se rendre en Inde dans un bus VW après avoir terminé leur doctorat sur des thèmes du troisième monde. Après que mes efforts académiques dans ce sens soient restés vains et que ma « dissertation » n’ait jamais dépassé le stade de l’ébauche de table des matières, mes aventures se sont limitées à des voyages de moindre rayon avec un « Döschwo » né en 1959 à travers la Tunisie, le Maroc et le Sahara algérien. Par des températures proches de 50 degrés, je devais parfois m’envelopper les mains d’un mouchoir pour pouvoir diriger la voiture avec le volant brûlant sur les pistes de sable ; par endroits, je n’étais équipé que de la feuille hectographiée d’une « carte routière » dessinée à la main, que le Père Blanc m’avait laissée dans une oasis pour trouver des pétroglyphes.

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Que font les jeunes de 18 ans aujourd’hui ? Et les nouveaux docteurs ? Peut-être s’offrent-ils un week-end prolongé avec un vol Easy Jet pour Barcelone. L’envie d’aventure s’étouffe sous le diktat du narratif rouge/vert qui domine tout et qui se compose en premier lieu du « climat », du « genre » et d’une idée boursouflée de la « justice » et qui paralyse chaque domaine de la vie. Et même le misérable reste doit encore être gâché par une honte simulée de voler.

Que reste-t-il ? Le monde est devenu incolore, sage et apeuré. Les ambitions semblent s’épuiser avec une retraite anticipée. Une attitude répandue, utilisée politiquement par la lutte contre l’inévitable augmentation de l’âge de la retraite et détournée au profit du populisme social rampant. La colère n’a jamais dominé une religion dans une société. Où sont les rebelles qui s’y opposent ?

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Dans le récit de Fermor est inséré un quatrain de l’empereur Maximilien Ier, qui convient peut-être ici, diffuse de manière rusée de l’optimisme et remet un peu les choses à leur place :

„Leb, waiss nit wie lang,
Und stürb, waiss nit wann
Muess fahren, waiss nit wohin
Mich wundert, das ich so frelich bin.”

Je souhaite à tous les lecteurs de notre newsletter une période de Noël bénie – le temps des dons – et vous remercie de votre intérêt, de votre patience et de votre indulgence.

Peter Wirth, e-mail

PS. La prochaine newsletter paraîtra le 6 janvier.