Psychologues, sociologues, philosophes et statisticiens sont stupéfaits : les taux de natalité, déjà bas en Suisse, ont encore fortement baissé depuis 2022. En 2022, les naissances ont diminué de 9 pour cent. La baisse s’est poursuivie en 2023, les données pour l’ensemble de la Suisse ne sont pas encore disponibles. Pour la ville de Zurich, dont l’office statistique est plus au courant, on constate un recul marqué du taux de fécondité. Le nombre de naissances pour 1000 femmes en âge de procréer est passé d’environ 44 à 36 au cours des trois dernières années. Ce sont des chiffres dramatiques.
Les raisons font l’objet d’un débat animé. Le premier enfant vient au monde à un âge de plus en plus avancé de la mère. D’autres besoins précèdent le désir d’enfant. Le modèle familial – autrefois fondement de notre société – perd de son importance et de son estime. Mais les femmes élevant seules leurs enfants sont le groupe de population le plus vulnérable sur le plan économique. Les psychologues rapportent que de nombreuses personnes craignent de mettre un enfant dans un monde que l’on dit sur le point de disparaître. Et les jeunes parents semblent de plus en plus dépassés par leur progéniture, qui nécessite depuis peu une garde permanente. Dans le même temps, on peut lire que «les lits suisses semblent avoir un énorme problème» (NZZ). Le coefficient de reproduction est de 1,38 en Suisse, ce qui est certes nettement plus élevé qu’en Chine, où il est tombé à 1,09. Mais ce n’est pas non plus le signe d’une affirmation optimiste de la vie.
Les conséquences pour la prévoyance vieillesse sont flagrantes. En premier lieu pour l’AVS, financée par répartition, qui repose conceptuellement sur une structure d’âge stable de la population. On sait que le rapport entre cotisants et retraités se déplace massivement. A cela s’ajoute, et on y pense rarement, que les diverses générations post-boom n’envisagent plus de s’épuiser dans un emploi à 100 %. Pas une offre d’emploi qui ne propose pas la possibilité d’un emploi à 80% (ou moins). Cela pèse encore plus sur la prévoyance. Et bien sûr, un âge de la retraite supérieur à 65 ans est absolument inimaginable.
Une solution semble être le renforcement de l’activité professionnelle des femmes, en supposant que – à condition qu’il y ait suffisamment de places de crèche – la maternité et l’emploi puissent être combinés. Une hypothèse apparemment audacieuse. Dans un article révélateur de la NZZ sur cette évolution inquiétante, la sexothérapeute Caroline Fux est citée avec la phrase suivante : «Der Lack ist ab von der Vereinbarkeit von Familie und Beruf». Dans le même temps, on conseille vivement aux femmes de ne pas compter sur leurs maris, mais de s’occuper elles-mêmes de leur prévoyance. Quelque chose dans notre modèle de société semble ne plus fonctionner. Le nombre de naissances est une chose, les souffrances psychiques croissantes et les distorsions sociales en sont une autre. Nous sommes loin de pouvoir distinguer la cause de l’effet et restons perplexes devant les symptômes.
Dans cette situation, exiger une extension massive de l’AVS, nota bene sans la moindre indication sur la manière dont elle serait financée, suppose une bonne dose d’impudence politique. Il faut pour cela un «puissant populiste de gauche», comme le fait remarquer judicieusement le Blick. Pour l’instant, il semble que nous puissions encore rêver, mais nous finirons bien par nous réveiller.
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A ce stade, on peut s’attendre à une objection : malgré le manque d’enthousiasme pour sa propre relève, la situation est très confortable pour la Suisse. Nous assistons à une immigration effrénée ; jusqu’en novembre de l’année dernière, plus de 100’000 personnes étaient déjà arrivées. Où est donc le problème ? Le problème, c’est qu’au-delà d’un certain seuil, l’immigration devient une drogue. On ne peut plus s’en passer. Et on cherche la confirmation que les choses vont bien dans l’ensemble ; oui, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Jusqu’à ce que la solution au problème devienne elle-même un problème.
On dispose déjà des études qui montrent que l’immigration renforce l’AVS. Mais il n’y a pas besoin d’études pour cela, c’est dans le système. Comme pour les chaînes de lettres, tout se passe bien tant que de nouveaux participants s’inscrivent. S’ils ne viennent pas, les choses se gâtent. Compte tenu de l’évolution démographique et de la vague de départs à la retraite imminente des «boomers», tous les signaux d’alarme devraient passer au rouge. Mais nous préférons passer en mode naïf et nous offrir la 13e pension. Quant à savoir quels enfants devront la financer un jour, nous nous casserons la tête plus tard.
Peter Wirth, e-mail