imageGraziano Lusenti (Lusenti Partners, Nyon) écrit dans LeTemps: “Depuis quelques jours, un peu partout dans le monde, de Nice à Rio et de Lucerne à Venise, carnaval s’empare des villes et de leurs rues, des passions de leurs habitants, impose ses folies diurnes et nocturnes, ses masques bouffons et ses musiques dissonantes. Dans le même temps, à Bruxelles ou à Athènes, ministres en jeans et blouson de cuir ou costume impeccable et cravate de bon ton rejouent, grimés, grimaçants et menaçants, la grande tragédie des passions financières: la lutte épique, immuable, impitoyable, des débiteurs et de leurs créanciers. Quelle saison plus appropriée que celle de carnaval pour nous rappeler que nous sommes tous embarqués dans la nef des fous, sur l’océan des dettes?

Une étude publiée il y a peu nous rappelle fort à propos l’ampleur abyssale de l’endettement global, surtout dans les pays développés, et son explosion depuis la crise: ainsi, entre 2007 et 2014, 57 000 milliards de dollars de dettes nettes supplémentaires ont été contractées à l’échelle mondiale et se sont ajoutées au stock existant déjà conséquent (142 000 000 milliards): 17% du PIB global! Depuis la crise, la seule dette publique a crû de 25 000 milliards de dollars – les pays développés (zone OCDE) sont responsables pour moitié de l’augmentation – et le taux de croissance depuis 2007 en a été de 9,3% (5,8% précédemment), beaucoup plus que le secteur financier (2,9% depuis 2007) ou privé (2,8%). Au Japon, en 2014, la dette publique (collectivités) et privée (ménages, entreprises, secteur financier) s’élevait à 517% du PIB, à 401% en Espagne, à 282% en Chine, à 268% aux Etats-Unis. Exprimée en pour-cent du PIB, de nombreux pays développés voient leur dette publique augmenter mécaniquement, en dépit des taux bas. Il n’y a guère de bons élèves: même la Suisse n’en est pas un, du fait de son addiction folle aux placements immobiliers et de son endettement hypothécaire extrême. (…)

Un rappel, pour conclure: dans la tradition chrétienne séculaire qui fonde carnaval – étymologiquement: «carne levare» en italien, enlever la viande – cette période de folie collective, de licence extrême précède le carême, le temps du jeûne, de l’abstinence, de la frugalité…”

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